ACTUALITE – Retour sur les Prix Diderots 2017


Ce lundi 2 octobre se tenait, dans l’enceinte du théâtre de la Reine Blanche à Paris, la cérémonie des prix Diderot 2017 décernés par l’AMCSTI. Rendez-vous immanquable de la médiation scientifique !

L’AMCSTI est l’association qui fédère et anime des structures, telles que des musées, des associations, des centres de sciences, œuvrant au partage et à la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle en France. Depuis 2002, ses prix Diderot récompensent des dispositifs de médiation scientifique, des institutions ou des personnalités qui mettent la science à portée de tous (ou presque) et qui innovent en matière de dispositifs de médiation (… ou pas).

Expositions, festivals ou encore outils de médiation des sciences sont ainsi sélectionnés chaque année pour leur accessibilité, leur approche innovante ou leur originalité. Deux prix sont ainsi attribués à une “œuvre” de médiation/vulgarisation scientifique.

La cérémonie était animée cette année par Acermendax et Vled Tapas de la chaîne Youtube La Tronche en Biais, vainqueurs de l’édition précédente. Passage obligé dans ce genre d’événement, les discours d’ouverture. Honneur à la maîtresse des lieux, Élisabeth Bouchaud, directrice du Théâtre de la Reine Blanche, dont on retiendra qu’elle est à la tête d’un théâtre de sciences sans financements publics, « pauvre mais libre, exigeant mais pas élitiste » selon ses propres termes. Suivent les discours de Philippe Guillet, président de l’AMCSTI — dont c’était le dernier jour puisque Guillaume Desbrosse, à la tête de la Rotonde à Saint-Étienne, a depuis repris les rênes de l’association — et du président du jury, Étienne Klein.

Les heureux vainqueurs de l’édition 2017 sont :

  • la chaîne Youtube “la statistique expliquée à mon chat” crée par Nathan Uyttendaele (alias le Chastiticien), mis en image par la graphiste Laura Maugeri et mis en musique par Gwenaël Grisi. Surfant sur l’amour immodéré d’Internet pour les félins, la première vidéo a été mise en ligne en mars 2016 et la chaîne compte aujourd’hui plus de 127 000 abonnés.

  • la newsletter “Science Tips” qui, deux fois par semaine, met un peu de science dans la boîte mail à travers des anecdotes scientifiques décalées. Lancée en mai 2017, elle a déjà convaincu 75 000 abonnés ainsi qu’un certain nombre de partenaires scientifiques (CEA, ANDRA, CNRS, Air Liquide, INSERM et le CNES). La brièveté de chaque anecdote (environ 300 mots) et la présence d’une référence scientifique ayant validé le contenu présenté expliquent selon ses responsables le taux moyen de 75% d’ouverture observé.

Le prix Diderot-Curien est quant à lui attribué à une personnalité qui a marqué la CSTI par ses actions, son engagement et ses expériences de mise en culture des sciences ou d’intégration des sciences dans la culture. Parmi les précédent.e.s lauréat.e.s, nous retrouvons des journalistes, des scientifiques, des éditeurs.trices, des responsables de musées ou centres de sciences, des scénographes.

Cette année, Evelyne Heyer, biologiste spécialisée en anthropologie génétique, reçoit ce prix pour son implication en tant que commissaire de l’exposition “Nous et les autres : du préjugé au racisme” (présentée au Musée de l’Homme jusqu’au 8 janvier 2018). Cette exposition, la première exposition temporaire depuis la réouverture du Musée de l’Homme, revient sur la catégorisation, physique ou culturelle, des êtres humains. Catégorisation qui a marqué notre histoire et dont il convient de déconstruire les préjugés et les stéréotypes que nous rencontrons encore aujourd’hui.

Pour celles et ceux qui souhaiteraient voir ou revoir la cérémonie, l’AMCSTI a mis en ligne la vidéo de l’événement ainsi que les photos de la soirée.

 

Les prix Diderot sont-ils le reflet des tendances en terme de vulgarisation scientifique ?

Pour la deuxième année consécutive, le support vidéo via des chaînes Youtube est primé. L’année précédente, la récompense attribuée à La tronche en Biais avait été largement saluée par les acteurs de la CSTI.  Cela fait quelques années maintenant que la vulgarisation scientifique se conjugue à l’internet (les précurseurs que sont ExperimentBoy, Axolot et Dr Nozman ont fait leur apparition en 2008). Alors, la vulgarisation scientifique via Youtube est-elle une tendance qui se confirme parmi les acteurs de la CSTI ? Peut-on encore la taxer d’innovante compte tenu du nombre de chaînes existantes ? [1]Sur la question de la vulgarisation scientifique sur Youtube, on pourra lire cet intéressant dossier de Science de comptoir

Autre support court, rigolo et efficace, la newsletter en sciences. Déjà bien connu, cet outil considéré jadis comme un outil de communication “has been” redevient “tendance” en adoptant un nouveau format et surtout en adoptant le storytelling, l’art de raconter des histoires … avec humour si possible ! Il faut noter que Sciencetips est la troisième déclinaison d’un concept lancé d’abord dans le domaine de l’art puis de la musique.

Malgré la qualité des dispositifs récompensés cette année, on ne cache pas une petite inquiétude… concernant l’effet un peu “zapping” que ces formats courts sont susceptibles d’induire. La médiation scientifique demande du temps. Du temps pour la conception des outils et du contenu scientifique, bien sûr. Mais aussi du temps d’incubation auprès des publics, cette incubation qui permet de se poser des questions et de faire ses propres recherches. En tant que médiateurs, doit-on chercher à divertir ou à questionner ? Non pas que les deux soient incompatibles mais on pourrait craindre de tomber dans un travers où le dispositif “léger ou rigolo” devienne une norme incontournable, occultant d’autres formes de médiation, peut-être plus exigeantes pour le public mais pas moins nécessaires.

Notes

1 Sur la question de la vulgarisation scientifique sur Youtube, on pourra lire cet intéressant dossier de Science de comptoir