De la “social science-fiction” à la médiation scientifique


Romans d'anticipations et médiation

C’est bientôt Noël, et les nombreux ouvrages analysant la pertinence scientifique des œuvres de fictions dans la culture populaire – surtout les films et les séries TV – nous le prouvent : la Science Fiction (SF) est un sujet d’étude sans fin pour les médiateur·trice·s ! Les blogs, livres ou autres documentaires s’attachent toutefois souvent à explorer les sous-genre de la science-fiction “fantaisiste” et pas forcément de celle plus ancrée dans des avancées technologiques plausibles. Après tout le téléporteur de Star Trek fait beaucoup plus rêver que la stérilisation systématique présente dans “Tous à Zanzibar “de John Brunner…

Ce pan de la science-fiction est souvent appelé “anticipation”. La catégorisation de telle ou telle oeuvre dans les cases “anticipation” et “science-fiction” peut être soumise à un débat – “Mad Max”, oeuvre de science-fiction? – que les anglophones ont résolu en parlant plutôt de social science fiction, utopique ou dystopique.

Ces œuvres peuvent être utilisées par les médiateur·trice·s scientifiques pour mettre en avant une projection, souvent critique, des sujets d’actualité liés à l’innovation et la place de la science dans la société dans un futur plus ou moins proche.

Par exemple, quand H.G. Wells écrit “La machine à explorer le temps” en 1895, il décrit avant tout dans son récit de science-fiction les inégalités sociales de l’Angleterre de la fin du XIXème siècle par le biais du conflit entre deux sociétés post-humaines. “1984″ de George Orwell, “Fahrenheit 451″ de Ray Bradbury, “Nous autres” de Ievgeny Zamiatin, “Le meilleur des mondes” d’Aldous Huxley, “La planète des singes” de Pierre Boulle, “Ravage” de René Barjavel sont autant d’exemples faisant partie maintenant des classiques de la littérature moderne.

De nombreux laboratoires, musées et centres de culture scientifique ont conçu des démarches de médiation organisées autour du roman d’anticipation et de science-fiction.

L’INSERM a notamment proposé en 2010 aux Utopiales et en 2011 à la Cité des Sciences et de l’Industrie une exposition mêlant gravures des romans de Jules Verne, photographies de micro-organismes et textes d’anticipation rédigés par Bernard Werber (auteur par ailleurs intéressant à décortiquer sur sa manière de présenter la science, mais c’est un autre débat…).

La bibliothèque Universitaire de Lyon a présenté, fin 2016 et en partenariat avec le programme interlaboratoires ANR une exposition sur la place de l’électricité dans le roman de science fiction et d’anticipation du XIXème siècle, et des liens entre les préoccupations de l’époque et celles actuelles.

Le podcast [en anglais] Social Science Talks propose une analyse des romans de science fiction par l’entrée sociologique.

Il semble en revanche qu’il y ait de la place pour une chaîne Youtube dédiée… des volontaires ?

 

Bibliographie non exhaustive (et loin de l’être !)

Voici quelques exemples d’ouvrages que l’on peut catégoriser dans le roman d’anticipation – mais il y en a de nombreux autres, n’hésitez pas à en proposer ! – et qui peuvent être utilisés pour alimenter les réflexions et dispositifs :

  • Enjeux environnementaux

“La Trilogie climatique” (2004-2007) de Kim Stanley Robinson
“Etat d’urgence” (2004) de Michael Crichton. Alerte polémique ! Même un roman plein d’inexactitudes et écrit par un climatosceptique et qui dénonce le “marketing de la peur” les associations environnementalistes est une source d’analyse intéressante. Ce livre a d’ailleurs été utilisé comme argumentaire par nombre de climato-sceptiques aux Etats-Unis. A prendre avec énormément de pincettes, bien sûr…
“Terre” (1990) de David Brin

  • Génétique, transhumanisme, post-humanisme, manipulation du vivant

“La musique du sang” (1985) de Greg Bear
“Mona Lisa Overdrive” (1988) de William Gibson
“Nexus” (2002) de Ramez Naam

  • Vie privée, utilisation des données

“La Zone du dehors” (1999) d’Alain Damasio
“Lumière des jours enfuis” (2000) d’Arthur C. Clarke et Stephen Baxter
“Dans la dèche au royaume enchanté” (2003) de Cory Doctorow

  • Développements de l’informatique et Intelligences artificielles

“L’âge de diamant” (1995) de Neal Stephenson (qui aborde aussi de manière détournée les thématiques de la médiation humaine et de la passation de connaissances…)
“La cité des permutants “(1994) de Greg Egan
“The Rapture of the Nerds” (2002) de Cory Doctorow et Charles Stross

Et en bonus, “Le Passeur” (1993) de Lois Lowry qui traitre -entre autres- de la thématique de la transmission de la connaissance entre élites. Un sujet qui devrait tous nous interpeller !

Bonnes lectures !

 

Quentin HOFFER