Forum CSTI IDF 2019 – Médiation, coopération & participation


La Région Île-de-France a organisé son premier forum “Franciliens en sciences” dédié à la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) mardi 11 juin 2019. Deux membres de l’association Sème Ta Science, Vera et Agathe, y étaient et vous racontent.

Autant vous le dire tout de suite, le programme de la journée était dense et l’enthousiasme à son maximum ! Les acteurs et actrices de la CSTI en Île-de-France étaient pour le moins ravi·e·s de se retrouver au sein du tout nouveau siège régional au cœur de Saint-Ouen.

Vous prendrez bien un peu de réchauffement climatique en entrée ?

L’introduction de la journée met tout de suite les pieds dans le plat : les scientifiques ont besoin de médiation pour des sujets à la fois complexes et vitaux. Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue / directrice de recherche au CEA / co-présidente du GIEC / membre du Conseil scientifique régional / @valmasdel sur Twitter (“mon idole” – dixit @vdesousa) prend la parole :

“Je fais partie des chercheur·e·s payé·e·s par les impôts des français·e·s …” seront ses premiers mots.

Un petit frisson (de plaisir ?) parcourt l’assistance. Le ton est donné. La question du financement de la recherche ne sera jamais tout à fait directement abordée dans la journée, idem pour celle des actions et dispositifs de médiation scientifique mais les indices et indicateurs seront semés par les différent·e·s intervenant·e·s et participant·e·s :

  • la part d’argent public dans le financement des travaux de recherche qui questionne sur le partage des savoirs produits avec l’argent des contribuables ;
  • les appels à projets mettant en concurrence laboratoires et chercheur·e·s (ceux de l’Agence National de Recherche ou provenant des dotations des Régions, sans compter les appels à projets européens et internationaux), qui complexifient le montage du plan de financement des travaux de recherche et ne permettent pas toujours d’avoir une pérennité souhaitée du projet ;
  • l’intensification des relations entre recherche publique et industries privées qui interroge sur les axes de recherche à favoriser et sur la propriété intellectuelle des savoirs / technologies produit·e·s ;
  • la ligne budgétaire attribuée à la médiation dans les projets scientifiques, mais qui reste peu connue des acteurs de la médiation eux-mêmes.

Bref, vous l’aurez compris, avec une introduction qui capte immédiatement l’essentiel sans le dire vraiment, Valérie Masson-Delmotte poursuit par un exercice de vulgarisation plutôt réussi sur le réchauffement climatique et les risques que cela représente pour la planète et donc pour nous les humains.

Le saviez-vous ? En moyenne, un individu émet 10 à 12 tonnes de CO2 par an en raison de son mode de vie (consommation, déplacements, alimentation…). Comment rendre intelligible ce genre de données auprès des citoyen·ne·s et amener une réflexion globale sur le cumul des émissions de CO2 à travers nos modes de vie ?

À plusieurs reprises, @Valmasdel utilise le concept de “culture du risque” pendant son intervention. “Il faut créer la culture du risque pour sensibiliser les plus jeunes au changement climatique”. Cette notion invoquée lorsque la communauté scientifique appelle les citoyen·ne·s à prendre part activement à la décision publique dans les questions scientifiques et/ou techno-scientifiques n’est pas anodine. Qu’y perçoit-on et que mettons-nous derrière cette “culture du risque” ? Une sorte de fatalisme face à l’inévitable catastrophe annoncée ou plutôt la construction d’un socle de savoirs communs et partagés pour appréhender le réchauffement climatique ?

La conclusion de cette introduction passionnante met en avant la nécessité de travailler ces questions de manière transversale, à la fois entre les différentes sciences et techniques mises en œuvre et aussi entre les différents acteurs et actrices impliqué·e·s dans les liens à créer avec les citoyen·ne·s de tous âges.

Médiation, vulgarisation, communication : de quoi parlons-nous exactement ?

La première table ronde “Comment faire sens dans un monde complexe ? Réflexion sur la pluridisciplinarité dans la recherche et le partage des résultats avec le grand public” met en avant des approches pluridisciplinaires dans la recherche et dans la manière de donner à voir ses résultats.

Le terme “grand public” du titre ne sera pas questionné, ni par les intervenant·e·s ni directement par les participant·e·s de la rencontre. Qui est-il, ce “Grand Public” souvent cité et peu connu ? Au fil de la journée, les termes “citoyen·ne”, “participant·e” tendent à substituer cette notion floue.

De nombreuses personnes issues du monde de la recherche, souvent impliquées dans des dispositifs de médiation des sciences, sont présentes dans la salle. Alors que la volonté de plus en plus forte d’aller vers davantage d’interdisciplinarité est invoquée dans la communauté scientifique, il semblerait que les carrières dans le monde de la recherche soient semées d’embûches et proposent moins d’embauches que prévu.

La médiation, citée comme nécessaire pour transmettre des savoirs ou pour trouver des publics (oui oui), a peut-être parfois besoin d’être redéfinie. Son usage dans le discours des scientifiques ne semble pas porter le même sens ou tendre vers les mêmes objectifs que ceux évoqués par les acteurs et actrices de la CSTI.

Un mystérieux acronyme fait parler de lui lors de cette première table ronde et est mis en exergue par une série de posters scientifiques exposés dans le hall : les DIM (Domaines d’intérêt majeur). Ce sont 13 projets de recherche fonctionnant en réseau et labellisés par la région Île-de-France pour une période de 4 ans (2017-2020). L’investissement financier de la Région s’élève à 23 millions d’euros en 2019. La liste des 13 DIM a été distribuée à tou·te·s les participant·e·s afin de créer une synergie entre les acteurs et actrices de la CSTI et ces réseaux de recherche d’envergure internationale.

Un terme fait son apparition dans les interventions de la seconde table ronde intitulée “Quelle place pour le grand public dans la recherche et la médiation ? Réflexion autour des nouvelles modalités participatives.” : celui d’interface.

Les médiateur·trice·s seraient donc des “surfaces de contact” entre deux milieux : celui des scientifiques et celui de la société… Pour le dire plus joliment, des relais qui favorisent les rencontres. Ce mot, utilisé fréquemment pendant la journée, donne une image de la médiation comme “outil des sciences” et/ou “outil pour les citoyen·ne·s” aussi.

Dans les discours, il apparaît nettement que c’est de vulgarisation dont il est question autant que de communication : transmettre des informations sur les recherches en cours, adapter les discours scientifiques au plus grand nombre, inventer de nouvelles manières de sensibiliser les publics aux sciences. Et la médiation alors ? Cette médiation, créatrice de liens sociaux et de fertilisation collective ? Difficile, même dans un forum dédié à la CSTI, de bien en définir les contours.

Actions participatives : quels enjeux ?

Il en va de même pour le terme “participation”. Lors de la seconde table ronde de la matinée, ” Quelle place pour le grand public dans la recherche et la médiation ? Réflexion autour des nouvelles modalités participatives“, les dispositifs dits participatifs sont à l’honneur.

Quelques exemples illustrant les sciences participatives et les dispositifs de médiation impliquant des participant·e·s :

La différenciation entre les différentes échelles de participation possibles oscille de la consommation de jeu à la co-construction d’un projet, de la récolte de données et le choix des thématiques scientifiques à développer dans une exposition. Comment mettre les citoyen·ne·s au coeur de la démarche scientifique avec une approche “bottom-up” et pas seulement “top-down” ? (ces expressions en elles-mêmes sont tout à fait questionnables 🙂 )

Trois ateliers de l’après-midi se concentrent donc sur cette question de la participation des publics : comment intégrer la participation citoyenne dans un dispositif de recherche ou de médiation scientifique ? L’objectif de ces trois ateliers : construire un mini-guide méthodologique à transmettre aux acteurs et actrices de la CSTI.

Il aura été étonnant de se rendre compte que, même en tant qu’acteurs de la CSTI, nous oublions souvent que la diffusion de la connaissance ne se fait pas seulement sur un mode descendant et que les publics / citoyen·ne·s / participant·e·s devraient être inclu·e·s à part entière dans un véritable dialogue, à partir de la conception des projets.

Voici ce que nous avons retenu de la participation citoyenne. Elle :

  • ne peut être réduite à une simple collecte de données à grande échelle ;
  • doit être motivée par une volonté d’engager un lien avec les publics, un lien simple, d’égal à égal, favorisant la confiance et l’ouverture ;
  • demande du temps de préparation et une forme de méthodologie qui ne s’improvise pas ;
  • doit être suivie impérativement d’un retour d’expérience ;
  • nécessite un cadre accessible : lieu (en favorisant les tiers-lieux c’est bien !), horaires, temps de disponibilité nécessaire, espace d’accueil des publics…

Pour conclure

Une journée dense en rencontres, en échanges et en participation !

Quelques questions méritent d’y revenir : la définition de la médiation scientifique, notamment celle utilisée par la communauté scientifique, les besoins de stabilité de financement des projets de médiation scientifique et les évolutions des enjeux en termes de médiation demandée par les institutions versus ceux exprimés par les publics.

Les pause-café et déjeuner de la journée auront été de bonnes occasions de croiser des visages familiers, on prend un croissant, on tape la bise et on se dit que, quand même, le monde de la CSTI est bien petit. Et nous sommes tou·te·s friand·e·s de moyens d’interagir les un·e·s avec les autres, pour pouvoir monter des projets ensemble et ne pas avoir l’impression de se croiser au gré des courants et des appels à projets. Ce genre de journée a le mérite de nous accueillir sous un même toit, même brièvement, et de nous donner beaucoup d’émulation pour la suite.

Autant vous dire que nous avons hâte de revenir l’année prochaine !

Article co-rédigé par @afranck et @vdesousa pour l'association Sème Ta Science

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