[DOSSIER] État des lieux de la médiation scientifique pour les enfants


Les enfants, des chercheur·e·s né·e·s ?

Une étude datant de 2011 analysait les jeux exploratoires des enfants et postulait que les enfants étaient des scientifiques naturels.

Les psychologues ont mené leurs expériences sur des enfants de quatre et cinq ans. Soixante enfants ont vu un jouet en forme de boîte qui jouait de la musique lorsque des perles y étaient placées. La moitié des enfants ont vu une version du jouet dans laquelle le jouet n’était activé qu’après que quatre perles aient été placées avec précision, une à la fois, sur le dessus du jouet. C’était la “condition sans ambiguïté”, car cela impliquait que chaque perle était également capable d’activer le dispositif. Cependant, d’autres enfants ont été assignés au hasard à une “condition ambiguë”, dans laquelle seules deux des quatre perles activaient le jouet. (Les deux autres perles ne font rien.) Dans les deux conditions, les chercheurs ont terminé leur démonstration en posant la question suivante: “Waouh, regarde ça. Je me demande ce qui fait fonctionner la machine ?”

Les enfants qui avaient vu que toutes les perles activaient le jouet risquaient beaucoup moins de casser la paire de perles. Ainsi, ils étaient incapables de déterminer quelles perles activaient le jouet. (En fait, seulement un enfant sur vingt dans cette condition était dérangé par la soi-disant “expérience”). En revanche, près de 50% des enfants dans la condition ambiguë ont séparé les perles en morceaux et ont tenté de déterminer quelles perles spécifiques étaient capables d’activer le jouet. L’incertitude a inspiré leur empirisme.

Les enfants ont donc un esprit de curiosité, d’expérimentation et d’essais et d’erreurs qui caractérisent les meilleurs scientifiques. L’enjeu serait-il donc de le garder ?

Pour en savoir plus : Lire l’article (en anglais)

Quels supports de médiation pour les enfants ?

Image par pencil parker de Pixabay

La mise en place de dispositifs de médiation afin d’éveiller la curiosité des enfants tient-elle du non sens ? Quels sont les dispositifs actuels et comment peut-on les améliorer ? La France dispose de moyens pour développer les actions de communication et de médiation scientifique. En 2011, les Investissements d’avenir devaient permettre de pallier les problèmes structurels dont souffre ce champ et d’élaborer des contenus et des dispositifs innovants via près de 100 millions d’euros répartis sur une douzaine de projets. Les enjeux : rétablir la confiance, conduire les jeunes publics à choisir des carrières scientifiques, réduire la fracture sociale…

Par ce financement, un rôle central est aussi donné à l’éducation aux sciences. Ainsi seront financés 4 projets et créées, entre autres, les maisons régionales pour la science et la technologie au service des professeurs (initié par l’Académie des sciences et géré par la Fondation “Pour l’éducation à la science” – dans le sillage de La main à la pâte). Cap’Maths, porté par l’association Animath avec un consortium des principales associations d’animation périscolaire en mathématiques, avait pour but de renforcer les dispositifs existants en créant des clubs, des tutorats, des stages durant les vacances scolaires, des journées spécifiques ou des forums.

L’univers associatif est également très riche d’animations scientifiques pour les enfants, vivotant au gré des financements publics. Il reste cependant dans le schéma pré-établi de concevoir, conceptualiser des expériences pour les enfants plutôt que d’expérimenter à créer des ateliers autour et pour le public des enfants, à l’instar du mouvement européen du Public understanding of science vers le Public engagement in/with science (https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/370 ; https://journals.openedition.org/aes/876).

Il existe aussi une vraie difficulté à atteindre les enfants dont les parents ne se déplaceront jamais dans les centres de science ou assimilés. Quelle solution, alors ? L’école ?

Pour en savoir plus : 

La science à l’école

Image par Patricia Lacolla de Pixabay

Un autre projet réalisé grâce à un financement de type Investissement avenir : “L’univers à portée de main”, porté par l’association “Sciences à l’école“. Le concept est de concevoir et de prêter aux établissements du second degré du matériel utilisé dans le cadre d’ateliers scientifiques concernant plusieurs domaines : astronomie, sismologie, météorologie, cosmologie, génomique, nanosciences. Parmi d’autres initiatives auprès des scolaires, nous pouvons également citer La Main A La Pâte, porteuse d’une plate-forme de ressources à destination des scolaires ainsi que d’initiatives telles que le Forum national “Activons les sciences en classe !”.

Peu d’initiatives sont organisées systématiquement et à l’échelle nationale, chaque Région essayant au mieux de mailler le territoire en proposant des projets individuels de médiation scientifique pour les scolaires directement dans les écoles.

La lecture, la solution ?

En 2017, Lecture Jeunesse lançait, en parrainage avec le Ministère de la Culture, l’Observatoire de la Lecture des Adolescents. Le lancement était concomitant à un colloque ayant pour objet “La place de la lecture dans l’accès aux sciences et la construction d’une culture scientifique”. À parcourir les librairies de France, on peut s’interroger sur la place de la science dans les livres pour adolescents, voire même pour les enfants plus jeunes. Quelle est l’opportunité pour eux de découvrir la science ailleurs que dans les manuels scolaires ?

Les principaux ouvrages parlant de science tiennent souvent assez étrangement des mêmes sujets. En faisant une brève revue des livres les plus achetés sur Amazon on les retrouve : les “pourquoi ?” (“Le quiz des pourquoi des 4-7 ans” chez Larousse, “Dis Pourquoi ? Spécial C’est Pas Sorcier !” chez Deux Coqs D’or), le corps humain (“Explore le corps humain” chez Casterman, “Le corps” chez Fleurus), l’espace et la Terre (“L’incroyable histoire de la vie sur Terre” chez Nathan, “Mon encyclopédie 6-9 ans du ciel et de l’espace” chez Gallimard jeunesse, “la Terre, la vie, l’Univers” chez Milan) et les expériences à faire chez soi (“100 expériences scientifiques” chez Usborne, “Le labo du petit scientifique” chez Vigot).

Autrement dit, une évolution éditoriale qui se fait discrète (à noter tout de même l’existence du collectif d’éditeurs “Sciences pour Tous”) alors que le monde et le paysage scientifique ont drastiquement changé : à l’heure d’une défiance inégalée envers les vaccins en France, le changement climatique, et lorsqu’on voit que la moitié des fausses informations (ou fake news) partagées traitent de sujets scientifiques, il y a de quoi s’inquiéter d’un développement d’une culture scientifique et d’un esprit critique dès le plus jeune âge. Ou plutôt, conserver cette curiosité enfantine qui poussent les jeunes à poser cette question qui effraye tous les parents : “Pourquoi ?” 

Pour aller plus loin : 


Agathe Franck

A propos de Agathe Franck

Je vois l’art dans la science et la science dans l’art. Après mon doctorat, je me découvre l’envie de continuer à parler de science, et montrer qu'elle est accessible, et humaine.