La communication scientifique (vulgarisation et médiation) utilise de plus en plus la culture populaire (ou “pop culture“) pour parler de sciences. Transmission de connaissances, diffusion de controverses scientifiques, lancement de débats… les raisons sont multiples. Certes, ce n’est certainement pas le meilleur moyen pour s’assurer que les publics engrangent des connaissances, mais c’est un bon outil pour susciter la curiosité et pour tenter de les sensibiliser et de les intéresser à certaines notions scientifiques parfois complexes (certains ouvrages n’hésitent pas à s’attaquer à la physique quantique ou au darwinisme).
Plusieurs domaines de la culture populaire sont utilisés aujourd’hui : films, romans, street art… et bien sûr, la bande dessinée ! À travers quelques exemples proposés par certain.e.s membres de l’association, vous pourrez constater que cet outil est très pertinent, accessible à tous et finalement, pas si récent…
Bonne(s) lecture(s) à tous et à toutes !
La Fabrique des Corps — Héloïse Chochois : le choix de Prisca
Réparer et améliorer le corps sont au cœur des réflexions modernes. Pour mieux comprendre l’homme de demain, il faut savoir ce qu’il y avait hier. Héloïse Chochois nous propose un voyage au cœur de “La Fabrique des Corps” avec humour et connaissances. Attacher vos ceintures, l’excursion promet d’être enrichissante.
Suite à un accident, un jeune homme se réveille à l’hôpital, amputé. Il entame un dialogue avec Ambroise Paré. Le père de la chirurgie moderne au XVIe siècle va l’entraîner dans l’histoire de l’amputation et du fonctionnement du corps humain. Le récit se découpe en quatre chapitres : l’amputation, le membre fantôme, les prothèses et le transhumanisme. L’illustratrice scientifique fait le choix de tout nous expliquer avec beaucoup de simplicité, d’humour et de pédagogie. Le Dr Hasboun, un spécialiste du cerveau ainsi que l’association française transhumaniste ont contribué à donner des sources fiables. C’est sans peur que des schémas médicaux sur les étapes d’une amputation ou la logique nerveuse sont montrés. La vulgarisation est efficace, claire et compréhensible de tous avec une touche d’humour. Avec un sujet tel que l’amputation, le défi était de taille. L’autrice ouvre d’ailleurs la bande dessinée avec l’homme augmenté du futur et le transhumanisme. Que sera demain ? Quel Homme allons-nous devenir ?
Le choix graphique devrait plaire à tous, déjà par le choix classique d’une structure en casse. Le trait épais donne du dynamisme au récit. Le traitement colorimétrique alterne entre le noir et blanc pour les scènes de vie quotidienne du jeune homme et des aplats de teintes sombres pour l’aspect technique et médical. Les couleurs changent tout de même selon les thématiques abordées. La première partie aborde l’amputation alors c’est un peu sanglant donc des tons rouges-orangés. La deuxième partie sur le membre fantôme est bleue, plus orienté sur l’émotion avec le membre disparu et la dépression. La partie sur la prothèse est verte car esthétiquement elle se complète bien avec le gris. Et pour finir sur le transhumanisme, une explosion de couleurs dans un esprit science-fiction. Tout est bien construit du contenu à l’esthétique.
Ne passez pas à côté de cette pépite BD qui sera attisée votre curiosité.
Objectif Lune — Hergé : le choix d’Antoine
Ma BD de vulgarisation scientifique est sans aucun doute “Objectif Lune” qui est un régal de médiation scientifique à tous points de vue.
D’une part, le professeur Tournesol se joue en pédagogue en expliquant à Tintin et au Capitaine Haddock, le fonctionnement d’une centrale nucléaire, l’intérêt d’aller sur la Lune, les essais techniques (ceci devait être encore plus intéressant au moment de sa sortie, où ces techniques étaient révolutionnaires).
D’autre part l’album nous explique bien les enjeux sociétaux (en particulier en matière de guerre froide naissante, à l’époque où l’album a été rédigé), sur les technologies utilisées à l’époque (l’informatique, l’observation lunaire).
Dans la Combi’ de Thomas Pesquet — Marion Montaigne : le choix d’Ariane
On pourrait résumer cette BD avec cet objectif : démystifier le job de l’astronaute starifié, filmé et interviewé par monts et par vaux, omniprésent sur les réseaux sociaux pour partager son quotidien hors du commun. Qui a surtout énormément travaillé, et minutieusement tout préparé, même les situations les plus improbables comme un atterrissage raté au milieu de l’océan. Marion Montaigne n’occulte pas la part du travail ni les extraordinaires capacités aussi bien intellectuelles que physiques et humaines de son sujet. Mais en revenant à son quotidien elle en ferait presque un « man next door » auquel on peut tous s’identifier. Et au détour de situations improbables, de personnages hauts en couleurs et de décors bien trouvés, on se marre vraiment !
La mission des astronautes est également démystifiée : non, Thomas Pesquet n’a pas fait que des jolies photos, des interviews et du saxophone dans l’espace. Bien sûr, on n’en est plus au temps des premiers astronautes pionniers dont on ignorait même si le système digestif allait fonctionner…s’ils arrivaient jusqu’à la station internationale. Le travail dans l’espace aujourd’hui, c’est 50% de maintenance et 50% de recherche dans des domaines très variés. A ceci s’ajoutent 2h de sport quotidiennes pour contrer les effets de l’impesanteur. Le reste, du temps libre mais dans un espace qui ne l’est pas, ultra-confiné et avec ses collègues 24h/24h. On est loin du club Med…Sans même parler de la prise de risque.
Dans son ouvrage, Marion Montaigne n’oublie pas non plus de nous livrer de belles séquences de vulgarisation (la démo du Soyouz avec un poivrier au repas de famille, une merveille !!). Le résultat de cet ouvrage : une bande dessinée accessible au grand public, fan de spatial ou non, dont les 200 pages se dévorent d’une traite. 5, 4, 3, 2, 1, enfilez vos combis (de nuit) et bonne lecture !
Retrouver son article complet sur son blog Science InFusée !
Le Super week-end de l’Espace — Gaëlle Almeras : le premier choix de Vera
La Vie Rêvée des Morpions et autres histoires de Parasites — Marc Giraud et Roland Garrigue : le second choix de Vera
Le Mystère du monde quantique — Thibault Damour et Mathieu Burniat : le choix de Matthieu
Comment vulgariser les concepts de la mécanique quantique, l’une des théories physiques les plus déroutantes ? C’est le défi de cette BD écrite par Thibault Damour, physicien théoricien, mondialement reconnu pour ses travaux en relativité générale et sur les ondes gravitationnelles, et Mathieu Burniat, auteur de bandes dessinées.
L’ouvrage d’une centaine de pages suit les pas de l’aventurier Bob à la découverte de cette nouvelle physique. Durant son parcours, il croise nombre de physiciens ayant contribué à sa construction au début du XXè siècle, qui lui expliqueront leurs principales découvertes et le débat les opposant sur son interprétation. Les auteurs ont souhaité ajouter en annexe un glossaire contenant aussi bien des notices bibliographiques de ces scientifiques que des explications sur l’équation de Schrödinger ou le phénomène de décohérence.
La BD s’appuie sur la culture populaire, Bob ayant des airs assumés du Tintin d’Hergé. Mais ce qui frappe Bob et le lecteur, c’est la grande exigence des auteurs qui n’ont pas peur d’aborder des notions complexes, au risque de rendre la progression parfois ardue. Ils affichent une réelle confiance en la capacité du lectorat à s’approprier les concepts présentés. Le dessin de Mathieu Burniat regorge de trouvailles graphiques sublimant l’étrangeté de ce monde quantique, magnifiquement renforcées par la dichotomie entre le N&B du monde classique de nos héros et les touches de couleur réservées aux objets du monde quantique.
Article mis en forme par Morgane Petit